ÉDITO

Le secteur de la santé et des solidarités traverse une période de grandes incertitudes et de mutations profondes. Il était reconnu dans la Charte d’engagements réciproques signée entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales en 2014 que « les associations, dans un contexte de forte évolution des besoins sociaux, jouent un rôle majeur d’alerte et d’interpellation des pouvoirs publics, mais aussi d’expérimentations innovantes et de gestion de services d’intérêt général ». Quatre ans après, la validité de certains principes qui y sont affirmés peut être questionnée.
 

Les acteurs de terrain restent des observateurs privilégiés de l’évolution des besoins sociétaux. Ils en captent les signaux faibles et en ont développé une connaissance fine. Pourtant, un véritable renversement a été opéré dès 2009 avec la mise en place de la procédure de l’appel à projet.  Schématiquement, celle-ci obéit au même principe que la commande publique qui prend le pas sur la subvention : les besoins sont identifiés par les pouvoirs publics, qui déterminent à des degrés différents les réponses que les acteurs de terrain apporteront.
 

Les structures non lucratives du secteur de la santé et de la solidarité observent également un effet ciseaux, constatant l’augmentation des besoins mais subissant une raréfaction des ressources. Les modèles d’allocation budgétaire sont inversés. S’ajoutent à cela la convergence tarifaire et les tarifs plafond, les reconductions à taux zéro ou à la baisse.    
 

Il est inscrit dans la Charte d’engagements réciproques que « l’Etat et les collectivités territoriales considèrent la diversité du monde associatif comme une richesse indissociable de la variété des tailles, des champs d’intervention et des couvertures territoriales des structures qui la composent ». Pourtant l’incitation au rapprochement entre des organismes gestionnaires privés non lucratifs peut virer à l’injonction, pour des raisons objectives (mobiliser les ressources et les expertises sur les territoires d’intervention) ou contestables (diminuer le nombre d’interlocuteurs).
 

La prise en compte de l’évolution des attentes des personnes accompagnées entraîne des transformations structurelles profondes (la Réponse accompagnée pour tous dans le champ du handicap) mais aussi des situations de crise lorsque les structures et les professionnels sont à bout de souffle (les grèves survenues dans les EHPAD en janvier et mars 2018). Les besoins évoluent aussi. Certains croissent ou sont plus visibles, ainsi des populations à la frontière entre différents secteurs d’action (tels que les publics relevant tout à la fois de la protection de l’enfance et du handicap).
 

Face à ces changements, les organismes privés non lucratifs opèrent des choix divers. Certains optent pour une stratégie d’adaptation en réaction à leur environnement, voire défensive. D’autres s’engagent dans des stratégies proactives de nature différente : stratégie de croissance (diversification de l’activité, conclusion de partenariats, reprises d’établissements). 

Amaëlle Penon, directrice de l'Uriopss Île-de-France