Introduction
Les Juifs d’Algérie : du dhimmi au citoyen français, une histoire de ruptures.
« Une généalogie judéo franco maghrébine n’éclaire pas tout… Mais être franco-maghrébin, l’être comme moi ce n’est pas… un surcroît ou une richesse d’identités, d’attributs ou de noms. Cela trahirait plutôt, d’abord, un trouble de l’identité». J. Derrida
Juillet 1830 : premiers contacts près d’Alger de quelques Juifs avec l’armée française.
Juillet 1962: plus de 90% des Français d’Algérie de confession juive quittent définitivement l’Algérie pour la France.
Entre ces deux dates, les Juifs d’Algérie ont progressivement refoulé leur identité berbéro-arabe, identité d’homme humilié et infériorisé, pour adopter l’identité française, symbole de celle d’homme libre et libéré qui coexistera avec leur identité religieuse, de plus en plus cantonnée à la sphère privée.
Aujourd’hui en France, la mémoire de ceux qui parlent fait revivre leurs identités plurielles: citoyens français, ils revendiquent leur judéité, inscrite dans la sphère séfarade, imprégnée de culture berbéro-arabe (qui leur fait aimer et perpétuer en France la cuisine, la musique, les danses de leur pays natal), et partagent avec les pieds-noirs leur émotions pour l’Algérie idéalisée du passé.
La transformation de plus en plus souhaitée et revendiquée des Juifs indigènes en citoyens français sera l’aboutissement d’un processus qui débuta dès la conquête de 1830, et le résultat d’enjeux multiples: politiques, juridiques, idéologiques, de la part du colonisateur, mais aussi de la part des élites juives de France et d’Algérie.
La constitution et l’intériorisation forte de l’identité française chez les Juifs d’Algérie furent possibles grâce à deux Institutions qui donnèrent ses assises à la République : l’Armée, l’Ecole. Mais ces institutions n’ont pleinement atteint leurs objectifs que parce qu’elles furent efficacement relayées par des rabbins, quelques uns d’exception parmi le rabbinat d’Algérie, pour la plupart des autres venus de France dès la première décennie de la conquête, par les consistoires mis en place dès 1847 et par le milieu familial.
Spectateurs pour la majorité d’entre eux de leur devenir, objets de multiples enquêtes de la part des gouvernements français, recensés, enregistrés obligatoirement à l’état civil , dotés de consistoires sur le modèle français, les Juifs d’Algérie, progressivement sécularisés par l’école française, où vont filles et garçons, et par l’armée, en contact avec la société française, vont rapidement être des acteurs conscients de leur propre acculturation.
Joëlle Allouche-Benayoun (GSRL-CNRS)
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