UNE ONE-MAN-CONF' par CYRILLE DE LASTEYRIE, alias VINVIN.

Ces mots qui ont construit ma vie, ces mots qui résonnent comme un cri de guerre, un défi de sale gosse, une injonction à tous les possibles. Ce jour-là, au pied du grand chêne, elle m'avait dit : « Et pourquoi pas ! » 

"Et pourquoi pas ?", c'est une conférence qui donne envie d'y aller, de s'autoriser à prendre ces petits risques qui n'en sont pas vraiment, à faire péter le dernier verrou. On y parle de la vie, de la mort, de l'argent, de l'amour, de nos biais, de nos peurs, et de pourquoi on se sent quand même mal malgré les années et tous ces livres et autres méthodes qu'on a avalés consciencieusement. Au bout du compte, pourquoi est-ce qu'on se sent légitime en rien, moins bon que les autres, jamais vraiment heureux alors qu'on ne vit pas dans des zones inondables, jamais totalement malheureux parce qu'on a la Sécu, une sorte de zone molle dans laquelle on regarde le temps passer et nos rêves se diluer. Et ça, ce n'est pas possible.

Pendant 90 minutes, j'alterne autodérision, partage des échecs (les réussites n'intéressent personne), des pensées obscures et inavouables, et enfin je propose des pistes très personnelles pour nous en sortir et éviter de finir comme Amy Winehouse. Habitué des changements de vie, des projets fous et innovants (souvent trop tôt), des voyages improbables, des rencontres un peu dingues, des lectures ésotériques tirées par les cheveux, je passe du rire aux larmes tel un albatros sous morphine. Auteur de métier (l'écriture étant le fil rouge de ma vie), je suis passé du conseil à la publicité en passant par la production audiovisuelle, le théâtre, le web, la télévision, la radio... en France, en Polynésie, en Espagne et aux Etats-Unis. Devenu conférencier pour partager mes explorations avec le plus grand nombre, j'ai participé trois fois à TEDx Paris, et c'est là que j'ai réalisé que ce format m'allait bien. Du temps pour dire les choses, un espace pour interagir, un peu comme du théâtre où l'on prendrait le temps de se comprendre entre nous. Dans les grands jours je dis que c'est une "one-man-conf", parce que comme le disait Bergson (le philosophe, pas le lycée), "le rire exige quelque chose comme une anesthésie momentanée du coeur. Il s'adresse à l'intelligence pure."

Pourquoi ce titre "Et pourquoi pas ?"... Ce petit texte le raconte.

"Ma grand-mère était une révoltée. Une grand-mère punk et solitaire qui aimait le champagne et fumait, riait de sa voix rauque et me conduisait partout à bord de la 2CV grise qui sentait le rock, le tabac froid et le cuir usé. Je l’aimais et l’admirais car on la jugeait insoumise, certains la traitaient de folle. Issue d’une famille modeste de la Meuse, elle avait été infirmière en Algérie, là où mon grand-père, Jean, l’avait rencontrée et immédiatement aimée. Jean, marquis d’une longue lignée, l’avait ramenée dans la famille sous le regard inquisiteur des vieux de ce monde, ancêtres engoncés dans leurs visions multi-séculaires, observant cette Geneviève Basset comme une intruse, une pas-comme-eux avec son nom de clebs. Elle avait tenu tête et son nez en trompette leur avait fait la fête. Elle aimait rire, danser, courir et provoquer. Elle aimait son fils unique et le fils unique de son fils unique, son petit-fils unique, moi. Très tôt elle m’avait pris sous son aile et dans cette grande maison de cette vieille famille, elle m'avait appris l’espièglerie, la liberté, les bons mots et l’insolence maîtrisée. À l’été de mes six ans, elle m’avait conduit devant le chêne qu’elle avait planté pour moi le jour de ma naissance. Il n’était pas très grand mais déjà vert et tendre. Geneviève tirait sur son fume-cigarette en caressant les feuilles, m'expliquant les branches et le gaz carbonique, les hêtres et le bouleau, les herbes hautes et le vent du nord. Mamie naturaliste, souffrant de cette acide solitude dans un monde rigide, resta digne, élégante mais indomptable. Elle m'enseigna le frisson de n’obéir à rien. Me montrant les arbres aux alentours, constatant que j'hésitais à y grimper (mon grand-père, mes parents et plus de mille oncles et tantes me l'avaient interdit) elle m'avait dit ces mots qui me suivirent partout, tout le temps et encore maintenant. Ces mots qui ont construit ma vie, ces mots qui résonnent comme un cri de guerre, un défi de sale gosse, une injonction à tous les possibles. Ce jour-là, au pied du grand chêne, elle m'avait dit : « Et pourquoi pas ! »"